Derrière l’écran, une voix puissante et engagée résonne à travers l’Afrique. C’est une voix d’une profondeur rare qui dénonce, interroge, inspire et surtout, appelle à l’action. Mais encore, c’est la voix d’un talent africain qui, loin de contribuer à la dénaturalisation du narratif africain s’est engagée à construire un récit bien à l’image de l’Afrique en partageant ses forces, ses faiblesses, ses opportunités et bien entendu les menaces à son développement. Cette voix est celle d’Alain Foka, président d’AFO Média et co-fondateur de MANSSAH. Journaliste, animateur, producteur et entrepreneur, ce fils du Cameroun est bien plus qu’un homme de médias. Il est un bâtisseur de ponts entre générations et un gardien de la mémoire africaine. À travers une carrière multidimensionnelle qui s’étend sur plus de trois décennies, il a réussi à transcender les frontières et redéfini le rôle des médias dans la réhabilitation de l’histoire africaine et la projection de son avenir.
Les racines d’un artisan de vérité
Alain Foka voit le jour le 4 septembre 1964 à Yaoundé, au Cameroun, au sein d’une société encore marquée par les stigmates du colonialisme. Troisième d’une fratrie de sept enfants, il développe dès l’âge de six ans, une curiosité insatiable pour le journalisme, inspiré par des figures légendaires de la radio telles que Jean Vincent Tchienehom, Lucien Mamba, Jean Claude Ottou de Radio Cameroun ou encore Georges Collinet et Roger Guifoli de Voice of America. Plus-tard, il va en plus, développer une passion bien particulière pour l’histoire et la politique. Cette passion deviendra le socle de sa carrière journalistique.
Bien que reçu au prestigieux concours de l’École supérieure internationale de journalisme du Cameroun (ESIJY), devenu ESSTIC, il choisit une voie différente : des études en sciences politiques en France. Diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, du Centre de formation des journalistes (CFJ), et de l’École supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA), il acquiert un bagage académique solide qui deviendra l’un des atouts de sa carrière.
Son parcours professionnel débute ainsi en Hexagone, où il affine son art à France Inter, à la Cinq et à Europe 1. Durant ces expériences, la technique journalistique seule, associée aux joies diverses du métier ne suffiront pas à le motiver. Il va y vivre de nombreuses frustrations liées à ses origines africaines. D’ailleurs, on lui dira à Europe 1 que les français ne sont pas prêts à écouter une voix africaine à l’antenne.
Vexé, il décide de transformer cette frustration en énergie positive en mettant ses talents au service du continent qui l’a enfanté. Il se procure donc à credit une caméra auprès d’un producteur parisien. L’objectif, parcourir l’Afrique et la montrer tel qu’il la voit et la connaît à travers la réalisation de documentaires sur des sujets variés : de là naîtra sa première société de production, Afric Vision (1992), devenue Phoenix Productions en 1995 avec laquelle il va en 32 années, réaliser plus d’une cinquantaine de documentaires pour des grandes chaînes comme Planète, TF1 et France 2.
L’entrée à RFI et la consécration
Dans son aventure africaine, il va définitivement se rendre compte de l’impérieuse nécessité de raconter l’histoire du continent africain autrement, sous un angle de vérité et de justice, loin des récits biaisés diffusés par le néocolonialisme, surtout qu’en cette période là (les années 90), le continent berceau de l’humanité fait face à des problèmes sociopolitiques complexes : l’arrivée de la démocratie et du multipartisme provoquant de nombreuses crises sociales dans divers pays africains tels le Cameroun ; les problèmes de gouvernance provoquant coups d’états et guerres fratricides comme au Rwanda, en RDC, au Congo, au Nigéria ou encore en Guinée Bissau ; l’apartheid en Afrique du Sud ; et bien entendu, les quelques rares guerres d’indépendance qui verront leur dénouement en ces années là. Nous parlons ici de la Namibie (1990) et de l’Erythrée (1993).
C’est dans ce contexte complexe, après son périple africain où il aura vécu le génocide Rwandais (1994), qu’Alain Foka dépose définitivement ses valises à Radio France Internationale en 1994 (il est à noter qu’il y faisait des piges bien des années avant). Il va alors tout de suite, user de créativité pour donner plus d’écho à sa mission, car pour lui, « nul n’a le droit d’effacer une page de l’histoire d’un peuple, car un peuple sans histoire est un monde sans âme ». Avec le sceau de RFI sur le front, il va poursuivre son périple et profiter pour renforcer sa notoriété naissante.
Il couvrira d’ailleurs plusieurs guerres notamment celles des deux Congo en 1997 & 1998 et celle de la Somalie, également en 1998. Il va aussi nouer des relations importantes qui constitueront des sources inestimables dans ses multiples rendus de l’information africaine. Dès le début du 21e siècle, il décide de produire le magazine “Archives d’Afrique”, une tribune de l’histoire contemporaine de l’Afrique à travers ses grands hommes. Ledit magazine devient alors au fil du temps, un des rendez-vous les plus écoutés de l’antenne RFI au point où il sortira des coffrets DVD pour la jeunesse africaine. Le succès est au rendez-vous et le nom “Alain Foka” devient une signature hautement crédible aussi bien auprès du bas peuple que des hauts dignitaires africains.
Il ne s’arrête pas là. Conscient de l’aura qu’il a désormais, il créé un autre contenu majeur : le Débat Africain. Il s’agit là d’une agora vibrante où chefs d’État, économistes et citoyens débattent des enjeux cruciaux de l’Afrique. Par ailleurs, pendant plusieurs années, il va animer Médias d’Afrique, donnant la parole à des éditorialistes du continent. Il animera aussi quelques interviews majeurs de dirigeants et leaders africains à l’instar de Samuel Eto’o Fils.
Repenser l’Afrique : l’appel d’un pionnier
Pendant 30 ans à RFI, Alain Foka va inspirer plusieurs générations et deviendra d’ailleurs en Janvier 2021, Rédacteur en chef. A quelques mois de ses 60 ans, il décide en Octobre 2023 de faire ses valises car convaincu qu’il doit servir son continent ailleurs et ce, d’une autre manière. Et cette manière, il la vit déjà à travers ses chroniques sur YouTube. « L’Afrique a besoin de son propre narratif », scande-t-il avec passion à chacune de ses chroniques sur sa chaîne YouTube lancée en Décembre 2020. 60 ans après les indépendances, son continent demeure dans une précarité sans précédent et subit encore profondément les politiques dictées par l’occident, au mépris des réalités des populations.
Il partage ainsi son savoir et invite à une introspection collective. A la jeunesse, il lui demande de ne pas faire les mêmes erreurs que lui et sa génération. Il l’invite à prendre position et à exiger à être sur la table des négociations afin de défendre les intérêts de l’Afrique qui, selon les experts économiques mondiaux, est le continent de demain. Et en ce sens, ses enfants se doivent d’être les acteurs majeurs de sa construction.
Dans cette dynamique, après avoir quitté RFI en Octobre 2023, il s’installe au Togo pour donner vie à un nouveau projet ambitieux : MANSSAH, un mouvement panafricain dédié au renouveau intellectuel et culturel du continent. Avec des figures de proue comme Jules Domche, Me Fadimatou Sidibe, Éric Opou, Cheick Travaly, Claudia Senghor, Alain Kahasha, Gilles Atayi, Dr Roger Moyou Mogo, Madina Dansoko, Serge Armel Njidjou, Dr Elie Nkamgueu, Noé Moïse Kossonou, Guy Robert Lukama et Sébastien Faye, Alain Foka prône le courage de réexaminer les paradigmes imposés par l’histoire et de construire une Afrique fidèle à sa réalité.
Afo Média : La nouvelle aventure d’un bâtisseur de récits
Dans sa quête incessante de redéfinir le paysage médiatique africain, il a donné naissance cette année à une nouvelle plateforme révolutionnaire : Afo Média. Plus qu’un simple média, Afo Média se veut un espace de réflexion, de création et de diffusion de contenus centrés sur les réalités africaines. Fondé sur une vision panafricaine, ce projet incarne la volonté de son créateur de raconter l’Afrique autrement, en s’appuyant sur les voix, les talents et les perspectives du continent. Avec Afo Média, il poursuit sa mission d’antan : offrir une tribune aux récits authentiques, aux initiatives inspirantes et aux débats constructifs, contribuant ainsi à l’émergence d’une Afrique fière et maîtresse de son image.
Au fil des années, son talent a été salué à de nombreuses reprises. Il reçoit en 1999 le prix du meilleur journaliste africain de l’année, suivi en 2005 du prix Cameroon Press Awards, ensuite en 2008 où il reçoit une fois de plus le prix du meilleur journaliste africain de l’année. En 2011, le magazine New African le classe parmi les 100 Africains les plus influents dans la catégorie médias. En 2016, il reçoit le prix Nelson Mandela du meilleur journaliste. L’année d’après, il est primé au Rebranding Africa Award dans la catégorie Media Leadership. En 2020, il est sacré meilleur journaliste africain de la décennie lors du Forum de Bamako.