Le 15 janvier dernier, la nomination de Mark Doumba au poste de Ministre de l’Économie et des Participations du Gabon par le Président Brice Clotaire Oligui Nguema a marqué un tournant dans la gouvernance économique du pays. Cet entrepreneur, économiste et bâtisseur d’écosystèmes apporte un souffle nouveau à un moment critique de l’histoire économique gabonaise. Le contexte de sa nomination est aussi important que son parcours, car il reflète les défis colossaux auxquels le Gabon doit faire face aujourd’hui.
Il arrive à un moment où le Gabon est à la croisée des chemins. Son expérience, son expertise et son engagement en faveur de l’innovation et de la durabilité en font un atout unique pour le gouvernement. Cependant, la tâche qui l’attend est immense : regagner la confiance des institutions de Bretton Woods, redresser les finances publiques, stimuler les investissements privés et diversifier l’économie. Sa nomination marque un pari audacieux, mais nécessaire, pour un pays qui aspire à un avenir économique plus résilient.
Un ministre pour regagner la confiance des investisseurs
Le Gabon, longtemps considéré comme l’une des économies les plus stables et prospères d’Afrique centrale grâce à ses importantes réserves de pétrole et de minerais, traverse depuis plusieurs années une situation économique complexe. La chute des cours du pétrole dès 2014 a mis en évidence les limites d’un modèle économique trop dépendant des ressources naturelles. Depuis, le pays peine à diversifier ses sources de revenus et à stimuler une croissance inclusive.
En 2023, les tensions économiques se sont accentuées avec une baisse des revenus pétroliers, des difficultés de gestion de la dette publique et un recul de la confiance des institutions financières internationales, notamment le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale. Ces dernières, historiquement partenaires du Gabon, ont exprimé des réserves face à la lenteur des réformes économiques et financières. Les négociations avec ces institutions se sont tendues, et des retards dans les décaissements de financements ont exacerbé les défis budgétaires du pays.
Le Gabon fait également face à une dette publique élevée, estimée à environ 70 % du PIB en 2022, un chiffre particulièrement préoccupant pour une économie dépendante des exportations de matières premières. Les arriérés de paiement envers certains créanciers et fournisseurs, ainsi que des déficits budgétaires récurrents, ont amplifié les inquiétudes sur la solvabilité du pays.
Dans ce contexte, la confiance des investisseurs privés, locaux et internationaux, s’est érodée, freinant les investissements nécessaires à la diversification de l’économie. Ainsi, Mark Doumba arrive au sein du gouvernement dans un contexte politique marqué par un changement de leadership. Le Président Brice Clotaire Oligui Nguema, à la tête du pays depuis la transition politique en 2023, a promis des réformes profondes pour remettre le Gabon sur la voie d’une croissance durable. Mais cette ambition se heurte à des défis structurels, notamment une faible diversification économique, des infrastructures insuffisantes et un climat des affaires qui peine à convaincre.
En ce sens, sa nomination au Ministère de l’Économie et des Participations n’est pas un hasard. Elle reflète une volonté claire des autorités Gabonaises de s’entourer de profils compétents, expérimentés et connectés à la réalité des marchés internationaux. Le choix de ce technocrate, à la fois enraciné dans le contexte africain et doté d’une expertise internationale, illustre une reconnaissance de l’urgence d’agir pour restaurer la confiance des partenaires financiers et relancer l’économie.
De là, l’un des principaux défis de Mark Doumba à ce poste sera de rassurer les institutions de Bretton Woods, notamment le FMI et la Banque Mondiale, sur la capacité du Gabon à mener des réformes économiques crédibles et durables. Le FMI, qui avait signé un Programme de Facilité Élargie de Crédit (FEC) avec le Gabon en 2021, a exprimé des inquiétudes quant à la mise en œuvre des engagements pris par le pays. Parmi ces engagements figurent :
1. La réduction de la dette publique : Une priorité pour stabiliser les finances publiques et éviter des pressions supplémentaires sur le budget national.
2. L’amélioration de la gouvernance : Notamment dans la gestion des entreprises publiques et des finances publiques, souvent critiquées pour leur manque de transparence.
3. La diversification économique : Un impératif pour réduire la dépendance aux exportations de pétrole et encourager des secteurs tels que l’agriculture, les services et l’industrie.
La Banque Mondiale, de son côté, a insisté sur l’importance d’améliorer le climat des affaires pour attirer davantage d’investissements privés. Les réformes structurelles, telles que la simplification des processus administratifs pour les entreprises, la lutte contre la corruption et l’amélioration des infrastructures, figurent parmi les recommandations clés.
Le nouveau promu qui n’est pas seulement un technocrate ou un penseur, est un homme d’action. Son travail avec des institutions internationales, des startups et des gouvernements lui a permis de développer une capacité unique à naviguer dans des environnements complexes. Ce qui fait de lui malgré son jeune âge, un expert au parcours exceptionnel et impactant.
L’étoffe d’un leader mondial jouissant d’une carrière bâtie aux quatre coins du monde
Mark Doumba n’est pas seulement un produit d’un parcours académique prestigieux, il est le fruit d’une vision globale façonnée par des institutions de renommée mondiale. Après avoir obtenu un Bachelor en Finance à l’Université George Washington, il poursuit ses études à la London School of Economics, où il décroche un Master en économie d’entreprise et gestion. Enfin, il parachève son cursus à la Harvard Kennedy School, avec un Master en administration publique, spécialisé en économie du développement et développement international.
Durant son passage à Harvard, il ne se contente pas de suivre des cours : il devient rédacteur en chef de l’Africa Policy Journal entre 2018 et 2019, un rôle qui reflète déjà ses aspirations à offrir une voix analytique forte pour l’Afrique. Ces années de formation ne sont pas qu’une quête de diplômes, mais le socle d’une approche multidimensionnelle, mêlant rigueur académique et pragmatisme.
Son parcours professionnel est réalité à l’image de sa vision : global, audacieux et centré sur l’impact. Après des stages dans des institutions financières au Gabon et à New York, il intègre en 2008 Millennium Finance Corporation à Dubaï comme analyste financier. Pendant deux ans, il se distingue dans l’équipe Fusions et Acquisitions, travaillant sur des transactions transfrontalières en Afrique et au Moyen-Orient dans des secteurs stratégiques tels que les télécommunications, les mines et les infrastructures.
En 2010, sa carrière prend une nouvelle dimension lorsqu’il devient directeur du développement des affaires pour le cabinet privé de Mohamed Alabbar, une figure emblématique de Dubaï et fondateur d’Emaar Properties. Pendant quatre années, Mark accompagne le développement d’investissements en actions et établit des partenariats stratégiques en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient, notamment dans les secteurs de l’énergie, de l’exploitation minière et de l’immobilier.Son expertise est également sollicitée dans des forums internationaux.
Entre 2011 et 2012, il conseille le Comité de transition du Fonds vert pour le climat (GCF), contribuant aux négociations ayant abouti à la création de ce fonds majeur lors de la COP 17 à Durban. Le GCF, plus grand fonds mondial dédié à la lutte contre le changement climatique, témoigne de l’engagement de Mark envers des solutions globales et durables.
Un bâtisseur d’écosystèmes en Afrique
En 2015, Mark Doumba retourne au Gabon pour participer à la création et diriger Okoumé Capital, un fonds souverain de capital-risque de 30,6 millions d’euros appartenant à l’Etat Gabonais. Avec ce projet, il pose les bases d’une nouvelle dynamique économiques au Gabon, en investissant dans des startups et en renforçant l’écosystème local.
Mais c’est en 2017 qu’il franchit une étape décisive en cofondant deux entreprises qui incarnent sa vision de l’Afrique : Enovate Capital et ClikAfrik Group.
– Enovate Capital, basé à Dubaï, est une société d’investissement à impact privé qui soutient des entreprises dans des secteurs à forte croissance favorisant le développement durable en Afrique et en Asie. Sous sa direction, Enovate Capital a permis à des startups de lever plus de 50 millions de dollars, de traiter plus de 50 000 patients, de formaliser 40 000 petites entreprises, et de fournir des services financiers numériques à 100 000 clients sous-bancarisés.
– ClikAfrik Group, quant à lui, est un pionnier de la gouvernance électronique. Sous la direction de Mark, l’entreprise a créé un guichet unique numérique ayant facilité la création de plus de 40 000 entreprises à travers l’Afrique. Cette initiative a permis de connecter des entrepreneurs aux banques, aux institutions de développement et aux agences gouvernementales, contribuant à l’émergence d’un écosystème numérique cohérent.
En 2020, il pousse l’innovation encore plus loin en lançant CLIKPAY Technologies, à l’origine de CLICKPAY Money, la première néo-banque agréée d’Afrique centrale. Cette initiative révolutionne l’inclusion financière dans la région, en offrant des services bancaires accessibles à des milliers de personnes.
Un acteur influent sur la scène internationale
Au-delà de ses activités entrepreneuriales, Mark Doumba a toujours été un acteur clé dans les grandes discussions internationales. De 2014 à 2016, il siège au Conseil de l’agenda mondial sur l’avenir des mines et des métaux du Forum économique mondial, où il plaide pour une gestion durable et responsable des ressources naturelles.
Il est également membre indépendant du conseil d’administration de la filiale gabonaise du Groupe Orabank depuis 2020 et a siégé au comité exécutif de la filiale gabonaise de Bharti Airtel, jouant un rôle stratégique dans la transformation de cette entreprise.
Enfin, ses idées et analyses éclairées trouvent régulièrement écho dans des publications renommées comme Jeune Afrique, CNBC Africa, ou encore Financial Afrik. Son récent article publié chez nos confrères de Gabonreview en octobre 2024, intitulé « Le Gabon est-il Business Ready ? », témoigne encore de sa volonté de partager sa vision pour un Gabon compétitif sur la scène économique mondiale.